Photographies prises en Éthiopie dans les années 1910. Les légendes sous les images sont celles portées sur les plaques.
Elles montrent des scènes de la vie courante, des paysages, les lieux de vie d’une famille expatriée, des événements politiques et religieux.
La qualité des plaques pour vues stéréoscopiques est souvent médiocre : pour en faire des vues à visionner, il faut transformer les négatifs en positifs, et dès lors on perd beaucoup de détails et de richesse dans les tons de gris.
Mais la rareté du sujet nous transporte malgré tout. En route pour un passionnant voyage dans l’Éthiopie du début du 20e siècle, plus couramment appelée Abyssinie en France à l’époque de ces prises de vue.
La première photographie, la plus ancienne de la série, est datée de 1910. Elle a capturé le passage de l’Empereur Menelik II. Gravement malade depuis 1909, il s’était mis en retrait de la vie politique et publique et est contraint de déléguer le pouvoir, jusqu’à sa mort en 1913.
L’image suivante présente une scène de pendaison. Les âmes sensibles passeront leur chemin, les curieux pourront la survoler avec leur souris pour la voir (ou taper sur la photo si vous êtes sur tablette ou téléphone).
Quelques paysages…
L’Éthiopie est un pays d’une superficie de 1130000 km2, soit presque le double de la France métropolitaine. Le relief y est très varié, allant d’une dépression à -120m (Désert Danakil, ci-dessous) à une altitude de 4543m. La capitale, Addis-Abeba, est située sur des hauts plateaux, à 2500m d’altitude.
On quitte l’Éthiopie pendant quelques photos. Et on embarque sur un bateau : Port-Saïd, canal de Suez et la Mer Rouge. Lors de l’indépendance de l’Érythrée en 1993, l’Éthiopie a perdu son seul accès à la mer.
Retour chez la famille d’expatriés.
Dès l’antiquité et jusqu’aux années 40, on a employé souvent le nom Abyssinie pour désigner l’Empire d’Éthiopie.
Depuis la fin du XIXe siècle, le pays est fréquemment en conflit, avec les nations voisines et avec l’Italie. Elle parvient à garder son indépendance quand tant d’autres sont passés sous l’emprise des grandes puissances européennes.
Lors de l’expansion de l’occupation de l’Afrique par les troupes mussoliniennes dans les années 30, l’Éthiopie sera partiellement sous le joug sans accepter l’armistice, et restera en résistance permanente jusqu’en 1941.
C’est cette lutte pour résister à la colonisation qui fera de l’Éthiopie l’emblème du combat contre l’oppression noire, le socle du mouvement religieux rastafari. Marcus Garvey, jamaïcain considéré comme l’une des premières voix du mouvement dans le premier quart du XXe siècle, prophétise le retour à la Terre promise en Afrique. L’arrivée au pouvoir en 1930 du ras Täfäri Makonnen (voir plus bas) sera considéré alors comme le point de départ de l’exécution de cette prophétie.
La fantasia désigne un spectacle équestre. C’est une expression plutôt utilisée au Maghreb, où l’auteur des photos aura pu en voir. Il la reporte ici sur ce défilé de cavaliers.
À la mort de Menelik II, son petit-fils Iyasou V accède au pouvoir. Mais son jeune âge, ses affinités politiques et religieuses font qu’il peine à asseoir son autorité. Il est déposée en 1916. Sa tante Zewditou va devenir impératrice, negiste negest. Elle est secondée par le ras Täfäri Makonnen, futur Hailé Sélassié.
Negiste Negest (pour les femmes), Negusse Negest (pour les hommes), Négus et Ras sont des titres de noblesse correspondants à reine des rois, roi des rois, roi et duc.
Hailé Sélassié ne se revendiquera jamais du mouvement rastafari qui s’est développé en Jamaïque. Il cédera néanmoins dans les années 60 des terres éthiopiennes pour les caribéens et les afro-américains désireux de venir s’installer en Afrique, pour les remercier de leur soutien lors de l’occupation d’une partie de l’Éthiopie par l’Italie fasciste de 1936 à 1941.
On remarquera l’inscription sur l’arche : elle est en amharique, la principale langue éthiopienne, et utilise l’alphasyllabaire guèze. Ce système d’écriture est constitué de signes représentant des syllabes, une consonne complétée d’un jeu de voyelles. L’alphasyllabaire guèze est utilisé uniquement par les langues éthiopiennes et érythréennes.
L’Éthiopie est un pays où le christianisme est fortement implanté, et il l’a été très tôt. L’Église est chrétienne orthodoxe, et fut longtemps une partie de l’Église copte. Depuis 1974 elle n’est plus religion d’état. Du fait de son isolement historique au milieu de pays musulmans, l’Église orthodoxe tewahedo éthiopienne a eu une évolution théologique unique.
Un des rendez-vous important de l’année religieuse est Timqet (ou timkat), qui correspond au baptême du Christ et à l’Épiphanie. Lors de cette grande célébration, on sort des églises les représentations de l’Arche d’Alliance, symboles de la relique supposément amenée de Jérusalem en Éthiopie. Des grandes processions colorées qui on gardé aujourd’hui la même ambiance qu’il y a déjà un siècle.