Voici un cas très étrange de photographies sans doute anciennes mais qui restent très mystérieuses.
Ces images nous montrent des religieuses, apparemment indiennes et du sud-est de l’Asie, des enfants qui jouent et une famille. Les photos sont prises dans un même lieu, près d’un bâtiment avec des fenêtres à croisillons de bois. Une mission catholique ? Un orphelinat dans un comptoir indien ?
Le support et les sujets en font des objets inhabituels et l’on ne peut en tirer que très peu d’informations…
Qu’est ce qui rend ces clichés si remarquables ? Ils sont bleus, sur un film transparent très fin et positifs.
Un cyanotype ?
Le bleu fait immédiatement penser au cyanotype. Le cyanotype est un procédé non-argentique de tirage d’après négatif. On enduit un support (généralement du papier) d’une solution mélangée de ferricyanure de potassium et de citrate d’ammonium ferrique. On le laisse sécher dans l’obscurité. Une fois parfaitement sec, on peut l’exposer : l’émulsion est sensible aux UV, on place donc un négatif contre le support préparé (tirage par contact), et on le laisse au soleil un certain temps (oui, précisément, un certain temps).
Pour vérifier le temps d’exposition, on peut utiliser un châssis-presse de ce type : on place contre une plaque de verre le négatif, puis le papier préparé, on ferme le dispositif avec une planchette articulée qui permettra de contrôler en cours de route la coloration. Ingénieux !
Oui, mais…
Si le cyanotype est une pratique facile et pas si rare, les tirages se font généralement sur papier, jamais sur un support transparent. Ce n’est cependant pas impossible.
Les tests
J’ai réalisé quelques tests sur une image de moindre intérêt afin de pouvoir éventuellement valider certaines suppositions. Je n’ai hélas pas pu confirmer grand chose…
Le format : en moyenne, les images font 8×14 cm, ce qui correspondrait à un format de film 3¼x 5½ inches, format disponible pour les films en bobine 122 et 125 par exemple, donc le tirage par contact est envisageable.
Virage au thé : pas de réaction quand on trempe le support dans le thé. Par contre, l’immersion dans l’eau, puis le séchage montre que le support est enduit d’une gélatine qui s’est gorgée d’eau et a créé des tensions sur le support.
Le bain basique : le cyanotype est réputé pour ne pas résister au milieu basique. En effet, trempé dans l’eau savonneuse, l’image s’est notablement affadie.
L’acétone : n’a pas eu grand effet, si ce n’est de faire virer le bleu au brun… L’effet attendu était plutôt la dissolution du support ou/et de la gélatine.
Le feu : l’échantillon a bien du mal à brûler…
À la loupe : pas de trame.
Résultat des courses, à part le positif du test du milieu basique, rien de concluant. Le support reste inconnu.
Dater ?
Là encore, la tâche est rude. Sur les images, les personnages portent des costumes traditionnels et religieux. Autant dire intemporels ! Le portrait de famille montre des jeunes hommes en blazer, ce qui pourrait nous situer un peu n’importe quand entre 1850 et 1950…
On peut quand même penser que, si ce sont des cyanotypes réalisés à partir de négatifs sur films au même format, ils dateraient au plus tôt de 1905. Par ailleurs, le flou de bougé de quelques personnages laisse penser que le support devait être trop peu sensible pour faire une pose courte. Donc peut-être le premier quart du 20e siècle ?
Ainsi, cette jolie série de sept positifs bleus garde pour l’instant tout son mystère.
L’enquête reste ouverte, si vous avez des informations sur le sujet et sur le support…