La Fête de l’Humanité – 1938

La Fête de l’Humanité – 1938

négatifs sur film 6x6cm – 1938

Samedi 3 septembre 1938. Demain, on prévoit un temps ensoleillé, le vent soufflera doucement, la température n’excédera pas 23°C, et ce sera la 9e édition de la fête de l’Humanité, dans la clairière des Trente-Marronniers à Garches en région parisienne.

Encart dans le journal l'Humanité dans les jours qui précèdent l'événement.

La grande fête va se passer dans un contexte social difficile. La veille, de grandes manifestations ont réuni des milliers de français protestant contre la réforme de la semaine des 40 heures, acquise depuis peu par le Front Populaire. 50 000 personnes se retrouvent au Vel d’Hiv à Paris (vidéo, à 20’18). Le Front Populaire justement a pris fin en avril, avec l’échec de Léon Blum à obtenir les moyens de ses réformes.

À l’étranger, la situation est également inquiétante : Hitler, les répressions, les politiques racistes, le totalitarisme, l’Italie fasciste, font peser de lourdes menaces sur la paix depuis des années. En mars l’Allemagne nazie a annexé l’Autriche et les réactions internationales n’ont été que modérées. La crise des Sudètes est déjà en marche.

Mais demain, c’est la grande fête de l’Humanité.

Encart dans le journal l'Humanité dans les jours qui précèdent l'événement.
Encart dans le journal l’Humanité dans les jours qui précèdent l’événement.
Monument du Parti communiste français à la fête de l'Humanité
Monument du Parti communiste français à la fête de l’Humanité

La foule se presse à Garches, par train, par vélo, à pied. On campe même sur place depuis la veille pour certains. 300 000 personnes se réunissent dans la clairière.

Les campeurs installés depuis la veille.
Les campeurs installés depuis la veille.

De nombreux stands (ci-dessous celui du secours populaire) sont installés, sections régionales, soutien aux combattants espagnols, etc. On trouve même un jardin d’enfants pour occuper les petits pendant cette journée.

La foule et, à l'arrière-plan, le stand du Secours Populaire.
La foule et, à l’arrière-plan, le stand du Secours Populaire.

La grande scène centrale est le lieu des discours mais aussi des spectacles.

La grande scène où ont lieu les spectacles et les discours de la fête de l'Humanité en 1938.
La grande scène où ont lieu les spectacles et les discours.

Le clou de cette année est La ronde des saisons. Chaque tableau représente une saison, l’hiver est interprété par les danseuses de l’Opéra. Le printemps voit naître l’amour. L’été offre une belle ode aux activités de plein air et aux provinces de France, et l’automne enfin célèbre les vins de nos régions.

La ronde des saisons. Encart dans l'Humanité du 3 septembre 1938.
La ronde des saisons. Encart dans l’Humanité du 3 septembre 1938.

L’envol du ballon URSS clôt le spectacle.

L'envol du ballon U.R.S.S.
L’envol du ballon U.R.S.S.

Puis viennent sur scène les Comités de défense de l’Humanité, militants qui diffusent le journal, et c’est l’heure des discours. Marcel Cachin, directeur de l’Humanité, encourage la foule à poursuivre son engagement auprès du journal. Et c’est au tour de Jacques Duclos, secrétaire du parti communiste, qui déclame un discours non moins politique et rappelle les combats en cours, les 40h et les restes du Front populaire. Enfin c’est de la Guerre d’Espagne dont André Marty nous parle (on rappelle bien que la seule information fiable sur les combats se trouve dans le journal l’Humanité !).

On entonne l’Internationale, le poing levé.

La journée ne s’achève pas avec nos photographies, elle se prolonge dans la nuit où d’autres spectacles sont encore donnés, feu d’artifice, french cancan et le jeune chanteur Charles Trenet.


Un immense merci à Ciné-Archives qui conserve et valorise ce patrimoine militant. C’est à partir de ce petit film d’actualités retraçant l’été 1938 que j’ai pu trouver les informations de ce que représentaient cette série de photographies. Leur auteur était de toute évidence un sympathisant communiste, et peut-être même faisait-il partie d’un CDH !

Sympathisants, militants, tenant la couvertures de journaux pro-soviétiques. Si vous retrouvez la date et l'événement...
Sympathisants, militants, tenant la couvertures de journaux pro-soviétiques. Si vous retrouvez la date et l’événement…

On peut bien sûr aujourd’hui avoir un œil critique sur cette époque, mais elle était certainement plus complexe que ce qu’on peut en comprendre au premier abord. Les archives officielles , autant que les documents amateurs, sont des témoignages précieux qu’il est toujours intéressant de découvrir ou de redécouvrir.
(L’humanité sur Gallica où l’on retrouve toutes les annonces de la fête, mais le reste de la presse des années 30, quel que soit le parti-pris, est tout aussi instructive sur cette époque)

Les rames de métro, ce dimanche matin de très bonne, heure, sont trois fois plus fréquentes vers le pont de Sèvres que sur toute, autre ligne. II fallait bien, chaque station leur permet de recueillir de nombreux voyageurs. Et chaque « correspondance » connaît un tel encombrement que, longtemps avant le terminus, les wagons sont archicombles. On aurait peine à y découvrir un seul voyageur dont le but final ne soit pas Garches. Cela se voit, du reste, à plusieurs signes. D’abord, l’Huma est dans toutes les mains. Puis des familles entières sont là, avec d’innombrables paquets pleins à craquer de victuailles appétissantes, présage d’un succulent déjeuner sur l’herbe. De groupe à groupe, on s’interpelle gaiement, car des amis qui souvent ne s’étaient pas vus depuis longtemps se reconnaissent :
– Tiens tu es là, toi? Tu vas à Garches ?
– Bien sûr!

Journal l’Humanité, lundi 5 septembre 1938

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