Photographie amateur : les appareils partie 2

Photographie amateur : les appareils <small>partie 2</small>

Suite de notre visite à travers l’histoire des appareils photographiques du XXe siècle.

On a vu dans la 1e partie plusieurs modèles très différents et l’apparition des caractéristiques qui sont toujours en usage aujourd’hui, comme la visée reflex ou les objectifs interchangeables par exemple. Ici, on va découvrir d’autres appareils, pas forcément tous « grand public »de la deuxième moitié du XXe siècle.


Graflex Century Graphic USA 1953
Graflex Century Graphic, USA, 1953

Voici un appareil typique de ceux largement utilisés par la presse des années 1930 à 60, avant la généralisation des reflex plus légers et plus petits.
Il s’agit ici d’une petite chambre 6x9cm à film 120, mais il existait de nombreux modèles prenant plutôt du plan-film. Une des caractéristiques des chambres est d’avoir la possibilité de décentrer ou/et de basculer l’objectif. Le plan de ce dernier n’est alors plus parallèle au film, et modifie les perspective et les zones de netteté.

Sur ces appareil, on peut faire la visée de trois façons : sur le dépoli à l’arrière, lorsque que le dos ou le châssis contenant le film n’est pas installé, par le viseur qui est sur le dessus (mais on n’est pas exactement dans l’axe de l’objectif) et enfin via un simple cadre en métal que l’on sort au-dessus de l’objectif, qu’on appelle visée sport : si l’action était rapide, cet approximatif cadrage permettait de suivre ce qui se passait hors cadre et de viser plus rapidement…


Samoca 35 III Japon 1955
Samoca 35 III, Japon, 1955

Ce très compact appareil tient juste dans le creux de la main. Les fonctions sont réduites au strict nécessaire, mais les boutons restent très accessibles.
Au fil du temps, le format de film 135 (celui du 24×36) va devenir plus populaire. Il est conditionné dans une cartouche en métal, ce qui limite les risques de lui faire prendre par accident la lumière lors du chargement dans l’appareil. Sa taille plus petite que les autres films permet également de rendre plus petits les appareils.

Des appareils photo miniatures, ça existait déjà, dissimulés dans un sac, dans une cravate, dans une montre à gousset, avec des pellicules spéciales bien plus petites… Plutôt pour les espions dans Tintin !

tintin
Le sceptre d’Ottokar, Hergé – 1939 © Moulinsart

Kodak Brownie Flash France 1955
Kodak Brownie Flash, France, 1955

Voilà un best-seller ! Quasiment présent dans tous les foyers de France des années 50, ce Brownie est vraiment emblématique de la photographie amateur.

Produit par Kodak, ce modèle est une déclinaison du Brownie Hawkeye et fut vendu uniquement en France. Il s’agit d’une box très classique, sans réglage, mais le bouton gris sur le côté permet, lorsqu’il est tiré vers le haut, de réaliser une pose B (c’est à dire que l’obturateur reste ouvert aussi longtemps que le déclencheur est pressé).

La bakélite qui le compose lui donne un charme très rétro apprécié des collectionneurs.

Bateaux au Jardin du Luxembourg © Aline Héau 2003
Bateaux au Jardin du Luxembourg (expositions multiples) © Aline Héau 2003

Eho Altissa Altix V Allemagne de l'Est 1956
Eho Altissa Altix V, Allemagne de l’Est, 1956

L’Allemagne de l’Est va rester un pays producteur d’appareils de bonne qualité, et la ville de Dresde est un centre majeur pour les fabricants. La compagnie Altissa produit l’Altix, un appareil de bonne qualité qui aura plusieurs déclinaisons. Après la fuite de son directeur vers l’Allemagne de l’Ouest, Altissa est reprise par l’état, puis finira par arrêter sa production au début des années 60. Mais l’aventure de l’Altix va se poursuivre en Yougoslavie, où les machines seront transférées.

L’Altix V est un appareil à objectifs interchangeables. Il ne peut être déclenché que si il y a une pellicule à l’intérieur, donc il ne faut pas chercher à le tester à vide ! Le film se charge par le dessous, ce qui est bien moins pratique que par le dos.

Altix – Kamera(d) für alle Tagen était son slogan…


Argus C3 Matchmatic USA 1958
Argus C3 Matchmatic, USA, 1958

Rares sont les appareils photographiques qui ont réussi une carrière cinématographique internationale : il y a eu bien-sûr le Nikon F et l’Hasselblad 500 dans Blow-up, mais aussi « The Brick », l’Argus C3 que l’on peut voir dans Harry Potter et dans Niagara avec Marylin Monroe…

Enfin… voilà une célébrité très relative. Son petit surnom, « The Brick », lui vient de son design résolument parallélépipédique créé dans les années 30. On a même envie de s’en servir pour casser les vitres d’une maison hantée ou de le jeter dans la mare ! Le C3 est lourd, pas très ergonomique, et pourtant il fut un succès commercial aux États-Unis.

Il dispose d’une visée télémétrique : lorsque le réglage de la distance est bonne pour avoir la netteté sur un objet, les deux moitiés de l’images se rejoignent bord à bord. Mais la visée est petite et très peu lumineuse (voire sur cet appareil quasiment opaque…). Le sabot porte-flash sur le dessus de l’appareil permet d’y installer une cellule au sélénium.


Alsaphot D'Assas-Lux France 1960
Alsaphot d’Assas-Lux, France, 1960

Pendant ce temps-là, quelle est la production d’appareils photographiques en France ? Malheureusement pas aussi remarquable qu’en Allemagne, au Japon ou aux USA…

La marque Alsaphot produira après-guerre des appareils originaux comme le Cyclope ou l’Alsaflex, mais aussi plus communs comme le d’Assas-Lux. Sa petite particularité, néanmoins, est que le tube de l’objectif peut rentrer dans l’appareil quand on ne s’en sert pas. On gagne quelques centimètres d’épaisseur. Par contre, si on oublie de le sortir avant de déclencher, on aura… pas grand-chose d’intéressant…

d'Assas-Lux, photographie ratée
Quand on oublie de sortir l’objectif du corps de l’appareil. © Aline Héau 2007

Voigtlander Vitoret Allemagne 1962 - 1965
Voigtlander Vitoret, Allemagne, 1962 – 1965

Dans la série des « Pas chers, pas terribles », on trouve ici un représentant de la marque pourtant très respectable Voigtländer.

Ça va être difficile de vous raconter quelque chose de remarquable sur cet appareil… Mais l’histoire de la marque est tout de même intéressante. Voigtländer fut fondée en 1756 à Vienne, et produit des instruments d’optique. Au XIXe siècle, elle est l’une des premières compagnie à fabriquer des appareils et accessoires photographiques, notamment les fameux objectifs de type Petzval, très recherchés pour leur luminosité. La firme produira encore quelques innovations techniques puis dans le courant du XXe siècle sera vendue, rachetée, revendue… Depuis 1999, le nom Voigtländer appartient à Cosina, fabricant d’appareils photographiques japonais qui continue de créer des objectifs d’excellente qualité, et est l’une des rares marques à toujours fabriquer des appareils moyen-format argentiques (notamment le Bessa III en 2009, un 6×7 folding, si si!).


Yashica 12 Japon 1967
Yashica Yashica  12, Japon, 1967

Puisqu’on en parle, le Japon. Yashica, Canon, Nikon, Mamiya, Olympus… Voici les noms qui vont s’imposer dans le courant du XXe siècle, et sur le marché mondial après la Seconde Guerre mondiale.

Yashica est notamment connu pour ses appareils bi-objectifs : l’objectif du haut sert à faire le cadrage, la mise au point, celui du bas prend la vue. La visée se fait par le dessus, on tient l’appareil au niveau de la poitrine, on s’incline devant son sujet. Les Yashica sont des appareils de bonne qualité, qui ont souvent été l’alternative moins onéreuse aux fameux Rolleiflex.


Krasnogorsk HorizonT URSS 1967
Krasnogorsky Mechanicheskiy Zavod (KMZ) HorizonT, URSS, 1967

Voici un modèle assez inhabituel dans la déjà longue liste des appareils présentés sur cette page. Il s’agit d’un appareil photographique panoramique. Son objectif est certes grand angle, mais surtout il tourne sur son axe vertical au moment de la prise de vue, pour obtenir au final un angle de 120°. L’appareil prendra une vue de 24x58mm.

Principe de l’objectif tournant. Arthur Pepa, CC BY-SA 4.0

Great Wall Plastic Factory Diana Hong-Kong 1970
Great Wall Plastic Factory Diana, Hong-Kong, 1970

Cet article, c’est les montagnes russes de la sophistication et de la qualité !

Cet appareil, vous pourrez le voir accroché au cou d’un hipster, il a eu un retour d’affection bien surprenant il y a quelques années ! Le Diana est un appareil-jouet, majoritairement construit en plastique, avec le strict minimum de fonctionnalités, un peu comme les box du début de siècle.

Fabriqué en Chine, offert en cadeau avec des produits commerciaux (abonnement au Reader’s Digest pour celui-ci), le Diana produit des images tout à fait égales à la qualité de l’appareil… C’est ce côté low-fi qui lui a valu son retour en grâce auprès des amateurs de photographie… infidèle.

Arbres sanguins © Aline Héau 2009
Arbres sanguins © Aline Héau 2009

Olympus 35 RC Japon 1970 - 1979
Olympus 35 RC, Japon, 1970 – 1979

Finalement, de quoi on a besoin pour faire des photos ? Un objectif, un obturateur, un déclencheur, et de quoi mettre du film isolé de la lumière. Si on en veut plus, on jouera sur la vitesse d’exposition, l’ouverture du diaphragme, on aura un télémètre pour la mise au point, un retardateur, une cellule pour mesurer la lumière, une table de profondeur de champ…
Du simple Clic-clac merci Kodak aux multiples réglages proposés sur certains appareils, les photographes amateurs auront un large choix pour enregistrer les souvenirs de vacances, les événements familiaux,…

Cet Olympus 35 RC concentre toutes les fonctions évoquées ci-dessus dans un tout petit boitier « compact » de belle qualité et au joli design. Celui-ci, on peut le mettre dans sa poche, pour de vrai ! (cf les Vest Pocket partie 1)


Olympus OM-1 Japon 1973
Olympus OM-1, Japon, 1973

Un autre Olympus, un peu plus sophistiqué que le précédent, avec sa visée reflex et ses objectifs interchangeables. Il ouvre la série des OM, appareils performants, résistants, très agréables à utiliser.

Cet exemplaire a servi plusieurs années en étant monté sur un télescope (sans l’objectif donc) pour réaliser de la photographie d’astronomie.


Nikon Nikonos V Japon 1984
Nikon Nikonos V, Japon, 1984

Le dernier appareil qui sera présenté ici est également unique dans son genre. Il s’agit d’un appareil de la firme Nikon permettant de faire des photographies sous-marines.

Le premier appareil de ce type fabriqué en série a été le Calypso, sur un modèle créé à la fin des années 50 en collaboration avec le Commandant Cousteau. La licence de cet appareil avait ensuite été rachetée par Nikon qui le déclinera jusqu’à ce modèle V. Gros boutons facilement manipulables, grand viseur, objectifs interchangeables spécifiques, et cette élégante table de profondeur de champ sur la face de l’objectif – déjà présent sur le modèle Calypso – où les deux taquets s’écartent ou se rapprochent en fonction de l’ouverture (plus votre ouverture est grande, plus la profondeur de champ est petite, n’avez-vous pas révisé vos règles d’optique ?).

Inconvénient majeur : l’appareil supporte hélas assez mal d’être immergé si les joints d’étanchéité ne sont plus bons :(


Voilà la fin de cette visite à travers presque un siècle de technologie photographique. La liste est loin d’être exhaustive, mais elle représente quelques jalons des évolutions et inventions remarquables de la photographie argentique. Les principes sont d’ailleurs toujours ceux en usage pour les appareils numériques. Il y aurait eu au moins autant à dire sur la période précédente, de l’invention de la photographie à l’apparition des appareils à films, mais ça sera pour une autre fois, et pour ceux-là, je n’ai pas d’exemplaires sous la main !

Et pour les visites en ligne, il y a l’inépuisable et indispensable collection de Sylvain Halgand, qui fournit toutes les informations cruciales sur ces merveilles. On peut y passer des heures ! Mon amour pour les appareils anciens lui doit beaucoup, j’en profite donc pour lui dire un immense merci.

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