Photographie amateur : les appareils partie 1

Photographie amateur : les appareils <small>partie 1</small>

Depuis toutes ces années, je vous présente dans la collection des images réalisées par des photographes amateurs. Comme je suis aussi collectionneuse d’appareils photographiques, j’ai choisi de vous présenter pour une fois les outils utilisés par nos photographes. Enfin, presque…

On a vu que, avec l’apparition des plaques au gélatino-bromure d’argent, la photographie sortait des studios professionnels, et devenait plus abordable techniquement pour les femmes et les hommes de la fin du XIXe siècle. Il faudrait donc, pour commencer, montrer une chambre du XIXe, une de celles où le photographe se cache sous un voile noir pour pouvoir faire la mise au point sur le grand dépoli à l’arrière. Ces chambres recevaient ensuite un châssis portant les plaques de verre sensibilisées. Allez donc faire un tour du côté de chez Mr Flawless, photographe perpétuant la technique du collodion humide.

En 1885, George Eastman invente le film photographique en rouleau. Son entreprise ne s’appelle pas encore Kodak mais opère alors la 2e révolution de notre histoire de la photographie amateur.

Voici donc quelques appareils de ma collection, présentés par ordre à peu près chronologique. Chaque appareil à sa petite spécificité, ils sont une goutte d’eau dans la mer des belles mécaniques qui font clic-clac… ou chloufff… ou klong…!


Butcher Watch Pocket Carbine Grande-Bretagne 1910 - 1920
Butcher Watch Pocket Carbine, Grande-Bretagne, 1910 – 1920

Commençons avec un petit folding anglais du début du siècle. Les foldings forment une famille d’appareils équipés d’un soufflet. Celui-ci a deux avantages : placé entre le corps et l’objectif, il peut être replié pour prendre moins de place, et pour les appareils plus élaborés, il donne une marge d’élongation pour la mise au point.


Pocket Kodak N°1 series II USA 1914 - 1934
Kodak Pocket N°1 series II, USA, 1914 – 1934

Sans-titre---11Ce folding Kodak a une particularité très intéressante : il est de type Autographic. Le délicat stylet doré qui s’accroche sur le côté de l’objectif permet de graver une annotation sur le film, via une petite fenêtre à l’arrière de l’appareil.

Les foldings se repliant, ils prennent peu de place. On les trouve souvent avec l’appellation Vest pocket. Vu le poids, il faut quand même des poches solides !

Ce genre d’appareil brille par l’ingéniosité de chaque détail : la patte (joliment ornée d’un Kodak en gothique)  permet de tirer l’avant pour l’ouvrir puis sert de pied pour le poser à la verticale. Les parties métalliques qui permettent de maintenir le soufflet ouvert ont des découpes à la fois jolies mais qui indiquent aussi où positionner les pouces pour refermer l’appareil. Un petit levier placé sous l’obturateur permet de le relâcher pour qu’il glisse sur son rail. Le soufflet peut ainsi se replier délicatement.

Cet appareil nous propose 2 vitesses, le 1/50e et le 1/25e, une pose B et une pose T. La pose T fonctionne de la façon suivante : vous déclenchez, le diaphragme de l’objectif s’ouvre – vous relâchez, le diaphragme reste ouvert – vous déclenchez à nouveau, le diaphragme se referme. Ajoutez à cela des ouvertures allant de f7.9 à f…45 et vous comprendrez pourquoi la pose longue peut s’avérer très utile ! Pour mémoire, plus l’ouverture est élevée, plus le diaphragme est fermé, moins il laisse passer de lumière, et plus la profondeur de champ sera grande. Les films du début du siècle étaient loin d’avoir la sensibilité de ce qu’on peut trouver aujourd’hui…


Kodak Beau Brownie n°2 USA 1930
Kodak Beau Brownie n°2, USA, 1930

Voici un appareil culte, un bijou particulièrement beau à regarder. D’ailleurs, Beau, c’est son petit nom. Au début des années 30, Kodak propose un appareil avec un habillage Art déco en tôle émaillée en façade, et recouvert pour le reste de simili-cuir (leatherette).  Les appareils de la gamme Brownie sont construits à partir de 1900 et jusque dans les années 60. De conception simple, ils sont bon marché et seront un très grand succès commercial. Du point de vue technique, ces appareils sont par contre très très rudimentaires. L’objectif à ménisque n’offre pas de réglage. L’obturateur n’a qu’une seule vitesse et elle est lente. Très.


Lumière Scoutbox France 1930
Lumière Scoutbox, France, 1930

Brownie est l’appellation Kodak de ces appareils très simples, mais on les retrouve plus généralement sous le nom box. Ici c’est une box de la marque Lumière, celle des frères inventeurs. La boite est en métal, couverte de simili-cuir avec un fin motif de trame façon reptile… La marque est embossée à l’avant. Cet appareil de format 6x7cm peut s’utiliser en portrait ou en paysage. L’œilleton de visée en gros plan ci-dessus pivote pour permettre la vue à l’horizontale (le Beau Brownie précédent avait deux fenêtres de visées). On a par contre deux possibilités pour la vitesse : I (instantané) et P (pose); la pose P permet de garder l’obturateur ouvert le temps où l’on garde abaissé le déclencheur.

Deux utilisatrices de box
Deux utilisatrices de box

Ihagee Parvola Allemagne 1931
Ihagee Parvola, Allemagne, 1931

L’Allemagne a une place très importante au sein des pays fabricants d’appareils photographiques, jusque dans les années 60.
À Munich se trouve l’entreprise de F. Deckel qui fabrique les obturateurs Compur qui vont équiper un grand nombre d’appareils. L’excellente réalisation du mécanisme de ces obturateurs leur permet d’être aujourd’hui toujours assez justes dans les vitesses rapides !

Ici il s’agit d’un appareil de la marque Ihagee, (transcription phonétique des initiales de Industrie und Handels-Gesellschaft – Société industrielle et commerciale) installée à Dresde. L’appareil prend un format de film devenu très rare, le film 127. Son objectif s’ouvre et se règle un manipulant un très beau filetage double hélicoïdal.


Agfa Billy Record 8,8 Allemagne 1936 - 1942
Agfa Billy Record 8,8, Allemagne, 1936 – 1942

dosBillyOn retrouve un appareil folding, du même type que le Kodak Pocket n°1 un peu plus haut, avec de jolis chromes façon Art Déco. Cet Agfa Billy présente des particularités techniques assez similaires au Kodak : trois vitesses de prise de vue et un pose B, trois ouvertures possibles (f8.8, f11, f16 !), et un pas de vis permettant d’utiliser un déclencheur souple. Il bénéficie également d’un œilleton pivotant pour le paysage ou le portrait. Ce folding et le Kodak prennent des vues de 6x9cm.
La plupart des appareils vus jusqu’ici reçoivent du film 120. Celui-ci est protégé par un papier isolant (le film 135 sera protégé par une cartouche métallique). Sur ce papier sont indiqués les numéros des poses. En effet, l’avancée du film est libre et on ne peut se repérer que par ces marques, visibles dans une petite ouverture à l’arrière, qui indiquent donc à quelle vue on en est.


Certo Super Dollina Allemagne 1938 - 1950
Certo Super Dollina, Allemagne, 1938 – 1950

À la fin du XIXe siècle, le cinéma naissant va rapidement se chercher des standards. George Eastman (Kodak) créé un film de 70mm muni de perforations latérales. Les frères Lumière et Léon Gaumont tentent d’imposer d’autres formats, mais c’est finalement Thomas Edison et son confrère William Dickson qui mettent au point le futur standard, le 35mm à perforation rectangulaires. Le matériau du support, son format, ses capacités d’enregistrement sonore, lui assureront un très grand succès non seulement au cinéma mais également dans la photographie. Une première tentative pour utiliser le film souple 35mm a lieu dès 1909, mais c’est surtout avec l’arrivée des appareils produits par la firme allemande Leica et de leur format d’image 24x36mm qu’il va s’imposer à partir des années 20. Jusqu’ici on produit des négatifs au format 6x9cm, 6x7cm, ou même un peu plus grands sur certains films. Les tirages sont majoritairement par contact. Avec un négatif sur film 135 de 24x36mm, il faudra utiliser un agrandisseur.

Ce Super Dollina associe à la fois le folding, qui est couplé avec un télémètre, et l’usage de film 135. L’obturateur Compur-Rapid est toujours raisonnablement juste. Ici au 1/100e de seconde.


Graflex RB Series D 3 1/4 x 4 1/4 USA 1928 - 1941
Graflex RB Series D 3¼x4¼ », USA, 1928 – 1941

Quittons le naissant « petit format » du film 135, le « moyen format » du film 120 pour retrouver le « grand format » des chambres. Ici, une Graflex qui se nourrit de plan-film 3¼x4¼ inches.
Voilà un appareil absolument épatant, et pas que pour son format. Fermé il ressemble à une grosse boite à poignée. Lourd, volumineux. Le couvercle s’ouvre et une cheminée se déploie, bordée en son sommet par un col en velours où l’on viendra poser son visage. C’est là que se fera la visée (visée poitrine). Il s’agit d’un appareil reflex, on voit l’image sur un verre dépoli un peu plus grand que notre plan-film via un miroir qui renvoie la lumière venant de l’objectif. Au déclenchement, le miroir se relève.  À l’avant, le capot s’ouvre avec la vis de mise au point. Sur ce modèle, le plateau qui porte l’objectif est interchangeable. La focale « par défaut » sur ce format est le 125mm (75-80mm pour le moyen format, 50mm pour le petit format). Le dos de l’appareil n’est pas moins astucieux. Il s’agit d’une chambre dite RB. RB comme Revolving Back. En effet, le dos est rotatif ce qui permet de faire aussi bien des vues en portrait qu’en paysage, ce qui est normalement problématique pour les appareils à visée poitrine car il faudrait pencher l’appareil, sa visée et le photographe de 90° sur le côté. Avec le dos tournant, on positionne juste le châssis pour le film dans le sens souhaité ! Sur la photo ci-dessus montrant la vue du dépoli où se forme l’image au fond de la cheminée, on peut voir les marques du cadrage dans les deux sens.
Enfin, il utilise un obturateur à rideaux (ou obturateur plan focal), qui n’est donc pas au niveau de l’objectif comme sur les appareils précédents. L’obturateur se règle avec une série de vis jouant sur la tension du rideau. Ici, du 1/30e au 1/1000e de seconde (piste sonore au 1/125e).

Adorable chat qui met des poils partout sur les négatifs, photographié avec la chambre Graflex
Adorable chat qui met des poils partout sur les négatifs, photographié avec la chambre Graflex. © Aline Héau  2014

C’est un appareil très intéressant, mais pas vraiment le genre utilisé par les amateurs…

Le très célèbre cliché de la photographe et reporter américaine Margaret Bourke-White sur le Chrysler Building en 1935. Une Graflex aussi, mais plus grosse, une 4x5".
Le très célèbre cliché de la photographe et reporter américaine Margaret Bourke-White sur le Chrysler Building en 1935. Une Graflex aussi, mais plus grosse, une 4×5″.

David White Stereo Realist USA 1947
David White Stereo Realist,  USA,  1947

Voici un autre appareil qui a eu un grand succès commercial : le Stéréo Realist. Sur du film 135, il réalise deux prises de vues simultanées grâce à ses deux objectifs. La finalité ? Réaliser des vues stéréoscopiques soi-même­ ! (J’explique tout ça ici.) Le troisième œil, celui du milieu va permettre de cadrer. Les deux rectangles vitrés à droite et à gauche en façade servent pour la mise au point.
Son gros point faible : il pèse lourd et vous ne le garderez pas longtemps autour du cou !


Houghton-Ensign Ful-Vue Grande-Bretagne 1948 - 1949
Houghton-Ensign Ful-Vue, Grande-Bretagne, 1948 – 1949

Les appareils de type box sont toujours un succès après-guerre. Celui-ci, construit en Grande-Bretagne est tout en métal, avec un intéressante finition martelée. Sur le dessus, il dispose d’une grande fenêtre de visée (4x4cm, soit à peu près la taille de l’image sur le négatif), dans laquelle, soyons honnête, on ne voit pas grand chose. La box est ici réduite à sa plus simple expression : on vise, on déclenche, on tourne.
Mais l’appareil est carrossé comme une voiture de course, alors on lui pardonne sa simplicité.


Agfa Isolette II Allemagne 1950 - 1960
Agfa Isolette II, Allemagne, 1950 – 1960

Cet élégant petit 6×6 folding tient cette fois-ci bien dans la poche. Une molette sur le dessus sert de table de profondeur de champ : si le sujet est à 2m, que vous ouvrez à f8, la zone de netteté sera entre 1m75 et 2m50. Pratique !
Sur ce modèle, l’obturateur a pris un coup de vieux, mais si on peut ne faire des photos qu’au 1/500e…


Ihagee Exakta Varex Allemagne 1950 - 1951
Ihagee Kine Exakta – Exacta, Allemagne, 1936
Ihagee Exakta Varex VX, Allemagne, 1950
Ihagee Exakta Varex VX, Allemagne, 1950

La firme Ihagee croisée un peu plus haut dans cet article fournit depuis les années 30 de très beaux appareils reflex 24×36 : l’Exakta et ses déclinaisons. C’est un modèle qui aura une belle pérennité, sans cesse amélioré. Ces appareils ont l’avantage d’avoir des objectifs interchangeables et, pour certains modèles, une visée interchangeable aussi (visée poitrine ou prisme – le prisme permet de mettre l’œil directement au viseur, on n’a plus de problème pour la question du format portrait ou paysage…). On est très loin des box… Mais le prix en est éloigné aussi et les Exakta seront plutôt à destination des amateurs éclairés !

On appréciera dans les extraits sonore, le cliquetis de l’armement et le frottement des petits picots qui font avancer le film. C’est aussi l’armement qui rabaisse le miroir et permet de voir l’image dans le viseur.

L'Exakta Varex fonctionne toujours, d'ailleurs il est parfait pour photographier les fées et les lutins.
L’Exakta Varex fonctionne toujours très bien, d’ailleurs il est parfait pour photographier les fées et les fantômes. © Aline Héau 2014

Meopta Milona Tchécoslovaquie 1952
Meopta Milona, Tchécoslovaquie, 1952

La Tchécoslovaquie a également un patrimoine photographique très intéressant. Meopta qui a fabriqué cet appareil, a également produit des agrandisseurs, et existe toujours aujourd’hui.
Le petit truc en plus de ce 6×6 (cm, le format produit sur le négatif), c’est qu’il permet également de faire du 6×4,5cm. Un panneau se glisse à l’arrière qui permet de choisir, au début de chaque pellicule, le format qui sera souhaité pour les photos. On distingue sur le viseur les deux rainures délimitant les cadrage « portrait » (cf la grande image tout en haut de cet article).


À suivre, la 2e partie de cette visite à travers les différents types d’appareils photographiques créés au XXe siècle. On y retrouvera des appareils très bon marché, pour aller sous l’eau, bi-objectifs, panoramique…

Et pour les voir en utilisation, vous pouvez aussi visiter la galerie consacrée à nos photographes photographiés.

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